La Russie bombarde des cibles civiles en moyenne 75 fois par jour en Ukraine: étude du T4P

Les bombardements représentent 84 % de tous les crimes de guerre commis en Ukraine. L'initiative T4P a recensé plus de 30000 bombardements de cibles civiles depuis le 24 février 2022.
Maxim Reviakin, Roman Klimenko 30 Juin 2023UA DE EN ES FR IT RU

Saltivka Nord est le quartier le plus détruit de Kharkiv. Au début de l’invasion, la ville était constamment bombardée par les Russes depuis les localités voisines © Jérôme Barbosa

Les règles universellement reconnues de la guerre circonscrivent les actions des armées afin d’éviter que les civils subissent des souffrances inutiles. Les attaques délibérées et aveugles contre des cibles civiles constituent des crimes de guerre au regard du droit international.

Depuis 2014, la Russie et les combattants qu’elle soutient ont à de nombreuses reprises bombardé des civils ukrainiens. Dès le début de l’invasion ouverte à grande échelle de l’Ukraine, les Russes se sont mis à utiliser massivement une grande variété d’armes.

Dans cette étude, l’initiative « Tribunal for Putin » (T4P) présente des informations sur les bombardements de cibles civiles et de la population de l’Ukraine du 24 février 2022 au 30 avril 2023 inclus.

Pourquoi les Russes attaquent-ils des civils ?

Quelle que soit la cible, les bombardements aveugles faisant des victimes civiles constituent un crime de guerre. Cependant, les bombardements de l’armée russe peuvent généralement être divisés en deux types :

1. Les bombardements visant directement à s’emparer d’une ville ou d’un village particulier

2. Les tirs de roquettes sur des zones peuplées éloignées du front, visant des infrastructures critiques.

Statistiques de la base de données du T4P

Du 24 février 2022 au 30 avril 2023, l’initiative T4P a documenté 32451 bombardements d’installations civiles et de la population civile à l’aide de diverses armes. Cela représente 84 % de tous les crimes de guerre commis par l’armée russe en Ukraine.

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© Serhiy Prytkine

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© Serhiy Prytkine

La plupart des bombardements ont lieu dans les régions d’Ukraine où la Russie mène des offensives. Selon les données du T4P, les régions de Kharkiv et de Donetsk sont les plus touchées par les bombardements de cibles civiles, car c’est là que se poursuivent les combats les plus violents. Bien que la région de Kharkiv ait été presque entièrement libérée par les forces ukrainiennes après l’offensive d’automne, les bombardements russes réguliers se poursuivent encore aujourd’hui. Les villes et villages frontaliers sont les plus touchés, car les Russes peuvent les atteindre avec des mortiers et autres pièces d’artillerie à courte portée directement depuis le territoire russe.

Les localités des régions de Kherson, de Soumy, et la majorité des villes et villages ukrainiens proches de la frontière sont également touchés : l’armée russe procède à des bombardements systématiques, rendant souvent la vie des habitants insupportable.

Le village de Iskriskivchina, dans la région de Soumy, est situé à 2 km de la frontière russe © Tamila Kochman / Tsoukr

En outre, les Russes utilisent régulièrement des missiles à moyenne et longue portée, notamment pour attaquer des installations à Kyiv, Odessa et dans d’autres parties de l’Ukraine éloignées de la ligne de front. À l’automne, la Russie a lancé une campagne agressive d’attaques contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine, au cours de laquelle il lui est arrivé de tirer jusqu’à 100 missiles par jour sur des centrales électriques et autres installations civiles sur tout le territoire ukrainien. Par la suite, des drones de fabrication iranienne ont également été utilisés pour ces attaques, en raison, semble-t-il, de la consommation importante de ces missiles balistiques et guidés très coûteux.

La pénurie de missiles sol-sol est également attestée par le fait que les Russes ont commencé à utiliser des missiles sol-air S-300 pour attaquer des cibles terrestres. Kharkiv, notamment, est régulièrement bombardée par ces missiles.

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Les enquêteurs du T4P ont également répertorié 43 épisodes de bombardements d’installations civiles à partir de systèmes de lance-flammes lourds TOS-1 « Buratino » et TOS-1A « Solntepek » , dont 30 épisodes dans la région de Kharkiv, 5 dans la région de Kyiv et 4 dans la région de Donetsk.

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Au 30 avril 2023, l’initiative T4P détient des données sur 57173 installations civiles détruites ou endommagées du fait de l’agression russe : immeubles résidentiels, établissements d’enseignement et hospitaliers, installations culturelles, etc.

Environ 90 % des dommages et des décès de civils ont été causés par des bombardements effectués depuis divers types d’armes. C’est dans la région de Zaporijjia qu’a été répertorié le plus grand nombre d’installations civiles détruites ou endommagées : 10393.

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Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale prévoit un statut de protection distinct pour les installations destinées à des fins religieuses, éducatives, artistiques, scientifiques ou caritatives, ainsi que pour les monuments historiques, les hôpitaux et les lieux où sont concentrés des malades et des blessés.

Les documentalistes du T4P ont répertorié 2711 attaques contre de telles installations, dont 578 dans la région de Kharkiv, 554 dans la région de Donetsk et 278 dans la région de Zaporijjia.

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Autres statistiques

Le registre du ministère ukrainien des Infrastructures recense 81511 sites endommagés entre le 23/02/2022 et le 01/05/2023, dont :

• 55343 immeubles résidentiels et 20264 locaux résidentiels

• 4735 bâtiments non résidentiels et 257 locaux non résidentiels

• 552 installations

685 installations de chauffage ont été endommagées et 1080 kilomètres de réseaux d’eau et d’égouts endommagés et détruits. Le nombre d’abonnés privés de services centralisés d’approvisionnement en eau est de 436566. 151955 abonnés sont privés de système d’assainissement.

Selon une deuxième évaluation rapide des dommages et des besoins de reconstruction de l’Ukraine réalisée avec la participation du gouvernement ukrainien, au 24 février 2023 avaient été endommagés jusqu’à 1,4 million d’appartements dans des immeubles, 135000 maisons individuelles, et 39040 chambres de foyers collectifs.

En mai 2023, le ministère de la Culture disposait de données portant sur des dommages subis par 1464 institutions culturelles et 623 monuments. Les installations culturelles endommagées sont les suivantes :

• Clubs : 701 (256 détruits, 445 endommagés), dont la majorité dans les régions de Donetsk (23%), Kharkiv (14%) et de Kherson (15%)

• Bibliothèques : 555 (185 détruites, 370 endommagées); 27% dans la région de Donetsk, 14% dans celle de Kyiv et 12% dans celle de Kharkiv

• Musées et galeries : 77 (27 détruits et 50 endommagés); 31% dans la région de Donetsk, 16% dans celle de Kherson et 12% dans celle de Kharkiv. 57 musées se trouvent dans les territoires occupés par la Russie depuis le 24 février, 27 se trouvent dans des territoires désoccupés et 38 ont été endommagés à la suite d’opérations militaires.

• Théâtres, cinémas et salles de concert — 23 (10 détruits et 13 endommagés)

• Établissements d’enseignement artistique — 108 (45 détruits et 63 endommagés); 28% dans la région de Donetsk, 16% dans celle de Kharkiv et 10% dans celle de Mykolaïv

Nous avons demandé au ministère de la politique sociale et au ministère de l’énergie quelles étaient les dommages causés par l’agression russe, mais le premier a répondu qu’il ne disposait pas de méthodologie pour évaluer les pertes sociales, et le ministère de l’énergie a refusé de répondre sur les dommages causés aux infrastructure, cette information étant classée secrète.

Selon les chiffres de l’École d’Économie de Kyiv, les opérations militaires ont entraîné la destruction ou la détérioration de 153900 bâtiments résidentiels, 3170 établissements d’enseignement (près de 1500 écoles, 909 jardins d’enfants, 528 établissements d’enseignement supérieur), 1216 établissements de santé et 1800 institutions culturelles (données datant de février 2023).

Les données les plus récentes sur les crimes répertoriés par le T4P sont disponibles dans la section des statistiques, avec mise à jour quotidienne.

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