Résolution de la conférence internationale « Impact des opérations militaires en Ukraine sur l'environnement et les droits humains: un défi civilisationnel pour l'humanité », 4 – 6 juillet 2022

Les participants à la conférence se sont adressés au gouvernement et au parlement ukrainiens, ainsi qu'aux institutions et organisations internationales.
29 Août 2022UA DE EN ES FR IT RU

Згорілі дерева після артобстрілу чи бомбардування. Фото: Depositphotos Foto: Depositphotos Photo: Depositphotos Foto: Depositphotos Photo: Depositphotos Foto: Depositphotos Фото: Depositphotos

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Un environnement propre, sain et durable est une condition préalable pour une future génération d'Ukrainiens en bonne santé. L'environnement, victime silencieuse de la guerre, a besoin de la protection et de la tutelle de la communauté nationale et internationale pour assurer cet avenir. Un environnement propre, sain et durable est essentiel pour l'approvisionnement en eau potable et en aliments propre, ainsi que pour la sécurité alimentaire mondiale. Ce droit humain est universel.

Les dommages causés à l'environnement par la guerre sont vastes, durables et graves. Cependant, l'intensité actuelle des opérations militaires empêchent d'enregistrer, d'évaluer pleinement et de synthétiser les impacts environnementaux, afin de mener des poursuites pénales pour atteinte à l'environnement.

Le succès du plan Marshall, conclu après la Seconde Guerre mondiale nous fait dire que la préparation d'un plan pour la reconstruction de l'Ukraine après la guerre doit être initié au plus tôt. Ce plan doit envisager une reconstruction qui améliorera les installations précédentes. Lorsque les infrastructures énergétiques seront reconstruites, elles doivent être complétées par des sources d'énergie alternatives ; lorsque les forêts sont restaurées, elles devront être protégées contre l'exploitation forestière non durable ; lorsque les logements seront reconstruits, ils devront répondre à des normes élevées d'efficacité énergétique. L'avenir de l'Ukraine doit être le plus « vert » possible.

De nombreux pays se sont déjà engagés à participer à la reconstruction de l'Ukraine. Toutefois, l'entière responsabilité des dommages causés à l'Ukraine doit incomber à la Fédération de Russie. Jusqu'à présent, la communauté internationale s'est concentrée, à juste titre, sur le renforcement des sanctions. Il est maintenant temps de commencer à établir des mécanismes de responsabilité ciblés.

Les circonstances de l'agression prolongée de la Russie, qui viole les exigences de la Charte des Nations unies, du Statut de Rome et de nombreux autres accords et conventions multilatéraux, nous obligent à réévaluer l'état actuel de la protection internationale de l'environnement et de la sécurité mondiale. Il est essentiel d'engager une discussion urgente et une réévaluation des capacités du régime de sanctions contre un État qui nie le droit international, mais aussi d'introduire un mécanisme approprié pour faciliter les réparations aux États victimes. Cela aurait un effet dissuasif sur les dirigeants de tous les États et protégerait les droits humains et l'environnement pour les générations futures.

À la lumière de ce qui précède, les participants à la conférence internationale appellent le gouvernement et au parlement ukrainiens à :

  1. Accorder une attention particulière à l'identification et à la collecte de preuves des dommages causés à l'environnement en Ukraine par l'agression armée de la Fédération de Russie ;
  2. Ratifier le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale et soutenir un amendement au Statut de Rome pour y inclure le crime d'écocide, qui mettrait fin à l'impunité pour les crimes environnementaux les plus graves en temps de guerre comme en temps de paix ;
  3. Ajouter au Code pénal ukrainien le libellé du crime d'écocide, reprenant ainsi le libellé d'un groupe d'experts internationaux publié en 2021, ce qui faciliterait les enquêtes sur les crimes contre l'environnement ;
  4. Recourir activement aux tribunaux nationaux et aux parquets pour mener des enquêtes et poursuivre les militaires russes pour crimes contre l'environnement, y compris le crime d'écocide ;
  5. Faire appel aux tribunaux internationaux et aux organismes chargés du suivi des réparations, afin tenir la Fédération de Russie pour responsable de la destruction de l'environnement et des écosystèmes ;
  6. Faciliter l'application d'accords multilatéraux impliquant l'Ukraine afin de tenir la Russie responsable de la violation de ces accords multilatéraux en utilisant des mécanismes de règlement des différends et des mécanismes de contrôle du respect de ces accords ;
  7. Adopter et mettre en œuvre les dispositions de la législation de l'UE visant à protéger, préserver et conserver l'environnement, et créer de nouvelles zones de conservation de la nature en Ukraine, qui pourraient couvrir des zones minées ou contaminées à la suite d'opérations militaires ;
  8. Poursuivre et intensifier le suivi et l'évaluation des préjudices causés par les opérations militaires et de ceux qui continueront à être causés à l'environnement. Il est recommandé de documenter les faits et les données relatives aux dommages à la lumière de l'approche écosystémique de l'évaluation des dommages promue par l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), afin de déterminer dans quelle mesure ces atteintes ont nui à la survie et au bien-être des populations et de l'environnement biophysique ;
  9. Suivre et évaluer le préjudice conformément aux méthodologies et technologies scientifiques les plus récentes disponibles dans les organisations suivantes : le PNUE, l'Agence européenne pour l'environnement, les secrétariats du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique pour la biodiversité et les Services écosystémiques (IPBES). Les travaux du groupe de travail intergouvernemental sur les dommages environnementaux en Ukraine, composé de 21 agences gouvernementales américaines, dont la NASA, seront complémentaires ;
  10. Préparer des protocoles de suivi des situations et des rapports d'évaluation récapitulatifs lors de la planification de la restauration écologique,et les fournir à la commission en charge des plaintes et des indemnisations annoncée par le président ukrainien ;
  11. Introduire les principes du Green Deal européen lors de la reconstruction de l'Ukraine après la guerre, au moment de l'adoption de nouvelles législations et de l'élaboration de politiques et de programmes budgétaires ;
  12. Poursuivre les réformes dans les domaines des déchets, de la gestion de l'eau, du fonds des réserves naturelles (y compris le Réseau Émeraude), de la sylviculture et de l'énergie, conformément aux directives de l'UE et aux politiques du Green Deal européen ;
  13. Adopter et mettre en œuvre une législation sur le permis environnemental intégré et le contrôle de la pollution industrielle, conformément aux exigences de la directive européenne sur les émissions industrielles ;
  14. Lancer une réforme de suivi environnemental par l'État afin d'accroître la responsabilité en cas de non-respect de la législation environnementale et de faire appliquer les mesures nécessaires ;
  15. Contribuer à la décarbonisation de l'économie ukrainienne par la promotion de technologies et d'équipements à faibles émissions de carbone, et encourager la transition vers une économie circulaire ;
  16. Effectuer, après la fin de la guerre, des tests de résistance dans les centrales nucléaires, prendre des mesures pour réduire leur vulnérabilité aux attaques, et plaider pour une réforme urgente de l'AIEA ;
  17. Mettre en place des incitations financières pour les entreprises et les autorités locales afin d'encourager l'innovation environnementale, les technologies propres et les solutions à faible émission de carbone ;
  18. Continuer à impliquer la société civile dans le processus décisionnel et renforcer le partenariat entre la société civile et le gouvernement dans l'évaluation de l'ampleur des dommages causés par la Fédération de Russie et dans la planification et la mise en œuvre des projets de reconstruction de l'Ukraine ;
  19. Renforcer les capacités humaines et institutionnelles du ministère ukrainien de la protection de l'environnement et des ressources naturelles, en tant qu'autorité centrale au sein du gouvernement ukrainien ;
  20. Redéfinir la partie environnementale du Plan de relance ukrainien présenté à Lugano à la lumière des exigences du Green Deal de l'UE et des engagements internationaux actuels de l'Ukraine en matière de protection de l'environnement ;
  21. Contrôler la contamination des terres agricoles par les frappes aériennes, et prendre, si cela s'impose, la décision de restreindre ou de bannir l'utilisation agricole de ces terres.

Compte tenu de ce qui précède, les participants à la conférence internationale appellent les organisations et institutions internationales à :

  1. Contribuer à l'évaluation et à la collecte de preuves sur les dommages environnementaux ;
  2. Soutenir les instances nationales qui enquêtent sur les affaires pénales liées à l'agression de la Fédération de Russie ;
  3. Établir un mécanisme d'enquête pour recueillir des données qui peuvent servir de preuves dans les enquêtes sur les crimes contre l'environnement ;
  4. Mettre en place une Commission spéciale d'indemnisation chargée d'examiner les demandes liées à des dommages environnementaux causés par les opérations militaires ;
  5. Garantir une base financière pour la restauration de l'environnement en Ukraine, endommagé ou détruit à la suite des opérations militaires ;
  6. S'associer et fournir une assistance financière, technique et d'expertise pour la restauration durable de l'Ukraine ;
  7. Soutenir l'harmonisation de la législation nationale avec celle de l'UE, ainsi que la réforme institutionnelle environnementale.

Région de Lviv, Ukraine

6 juillet 2022

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