Preuves à charge contre eux-mêmes

À Kherson, les Russes attaquent régulièrement des civils et ils s’en vantent.
Serhiy Okounev 04 Novembre 2025UA ES FR RU

Херсон, @ Cергій Окунєв Херсон, @ Cергей Окунев

Kherson @ Serhiy Okounev

En octobre 2025, l’Institut américain pour l’étude de la guerre a publié un chiffre sidérant : depuis 2023, plus de 2800 civils ont été tués par des attaques de drones russes dans la seule ville de Kherson.

Malheureusement, Kherson et sa région sont devenues l’exemple le plus frappant de la tactique russe de terreur par attaques de drones. La ville est située à seulement quelques kilomètres du territoire occupé : la région de Kherson est traversée par le Dniepr, qui est devenu ligne de démarcation entre les lignes de front.

Si les attaques systématiques contre les civils ne choquent plus personne et sont devenues monnaie courante pour les occupants, la région de Kherson présente une particularité : dans bien des cas, les Russes eux-mêmes se vantent de leurs crimes de guerre et en tirent une réelle fierté.

Après avoir analysé les ressources de la propagande russe, mais aussi les chaînes officielles des unités militaires d’occupation, le journaliste et défenseur des droits humains Serhiy Okounev confirme que les Russes ne tentent aucunement de dissimuler leurs crimes.

Le « safari » ou terrain d’entraînement. Les Russes se vantent d’assassinats quotidiens d’habitants de Kherson.

Джерело фото: російській пропагандистський телеграм-канал “От Мариуполя до Карпат”

Source : La chaîne Telegram propagandiste russe « De Marioupol aux Carpates »

Les attaques incessantes de drones russes étaient devenues l’ordinaire des habitants de la rive droite de la région de Kherson dès 2023, mais c’est en 2025 que la situation a atteint des proportions véritablement alarmantes. Du fait du développement général des drones et de l’augmentation de leur production et de leur utilisation, les Russes ont lancé davantage de drones dans la région de Kherson en une semaine d’octobre 2025 qu’en un mois à l’automne 2024. D’après les dernières données de l’Administration militaire régionale, plus de 2500 drones ont été lancés en 7 jours, dont la plupart étaient des drones FPV et des drones « à largage ».

Ce qui est frappant, c’est que, dans le cas des crimes de guerre commis à Kherson, les propagandistes russes, et même certaines sources officielles ne font aucun effort pour les dissimuler. Ainsi, des chaînes Telegram publient régulièrement des vidéos d’attaques contre des civils. L’une d’entre elles contient à elle seule des centaines de vidéos montrant des attaques contre des transports civils. Il est significatif que les Russes ne cherchent même pas à mentir en évoquant des « cibles militaires », ni à dissimuler leurs attaques contre des civils.

« Rien de personnel, juste encore un véhicule dans la zone. Une nouvelle fois. Tout véhicule dans la zone est une cible légitime », indiquent les occupants sur leurs chaînes.

Les Russes appellent « la zone » une grande partie du territoire de la ville de Kherson, incluant le centre historique. Dans leurs communications, les occupants ne cachent pas leur intention de détruire « tous les moyens de transport » et qualifient cela d’« objectif légitime ». De toute évidence, de tels actes constituent un crime de guerre, et aucune loi, même la quasi-loi russe, n’autorise de telles attaques.

Cependant, l’absence de véhicules ne garantit pas la sécurité. Des chaînes russes diffusent de nombreuses images montrant des frappes contre des citoyens ordinaires, des cyclistes et des piétons. Le 26 août, une vidéo montrait un engin explosif lancé sur un homme qui promenait son chien. Les Russes n’ont même pas cherché à le faire passer pour un militaire.

« Nous n’avons pitié de personne. Gardez vos pleurnicheries », indique le message des occupants.

De manière générale, outre les images d’attaques directes, les Russes publient constamment des justifications à leurs actes. Leur principal argument est que de tels agissements n’avaient pas lieu pendant l’occupation russe et qu’ils cesseront une fois que les troupes russes auront repris le contrôle de la rive droite de la région de Kherson. Ainsi, ces actions visent directement à semer la terreur, c’est-à-dire à intimider la population civile par des actes de violence afin d’empêcher toute résistance à la réalisation de leur objectif.

Guerre contre le Service national des situations d’urgence : les secouristes ukrainiens sont devenus l’une des cibles prioritaires des occupants

Джерело фото: російській пропагандистський телеграм-канал “От Мариуполя до Карпат”

Source : La chaîne Telegram propagandiste russe « De Marioupol aux Carpates »

En 2024 et 2025, le travail des services de secours ukrainiens dans les zones d’attaques ennemies est devenu de plus en plus dangereux. Les Russes lancent délibérément de nouvelles frappes une fois que les secouristes sont arrivés sur les lieux. Cette pratique est courante dans les régions de Donetsk et de Kharkiv, mais dans la région de Kherson, elle s’est transformée en une véritable guerre contre les secouristes ukrainiens.

Le 28 septembre 2025, les forces d’occupation russes ont publié cette déclaration :

« Dans un avenir proche, voire DÈS À PRÉSENT, la décision sera prise de faire des services de secours d’urgence une cible prioritaire. Les sites de déploiement, de stationnement et de maintenance seront détruits. Le personnel sera considéré comme une menace potentielle ».

Ce prétendu « avertissement » ne marque pas le début d’une campagne de terreur contre le Service national des situations d’urgence, mais s’inscrit dans la continuité d’une pratique systématique. Les Russes publient des dizaines de vidéos montrant des attaques contre des secouristes éteignant des incendies de maisons et immeubles civils et contre des véhicules de secours, tout en se vantant de leurs « exploits » en matière d’attaques contre les secouristes. De nombreuses informations font également état d’attaques de ce type, tant dans les médias que dans les communications du Service national des situations d’urgence lui-même.

Il avait été précédemment rapporté que depuis le début de l’invasion à grande échelle de la région de Kherson, 9 agents du Service national des situations d’urgence avaient été tués et 49 secouristes blessés dans l’exercice de leurs fonctions en raison de l’agression russe. Ces données étaient d’actualité en 2024, mais ce chiffre a probablement augmenté depuis.

Rien qu’en 2025, l’un des principaux organes de propagande des occupants a fait état à 15 reprises d’attaques contre le Service national des situations d’urgence ou de la préparation de telles attaques.

« Il faut augmenter le nombre de mines lancées à distance, puis mener des frappes secondaires contre les équipes d’intervention éliminant les conséquences de ces attaques, ainsi que contre le Service national des situations d’urgence. Auparavant, les services publics étaient sur la liste « facile », car ils intervenaient souvent pour rétablir le fonctionnement des infrastructures civiles, mais à présent, à l’instar du Service national des situations d’urgence, ils constituent une cible prioritaire et doivent être détruits ».

Un crime de guerre manifeste. Le droit international humanitaire à propos des attaques contre les secouristes.

Malgré le terme de « cibles légitimes » employé par les occupants pour désigner le personnel du Service national des situations d’urgence, le droit international humanitaire confirme que la Russie commet des crimes de guerre. Les services de protection civile et les organisations humanitaires qui apportent une assistance à la population civile et ne participent pas aux hostilités ne peuvent être prises pour cible. Le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1977, document fondamental du droit international humanitaire définissant les règles et les méthodes de conduite de la guerre, précise quelles organisations sont considérées comme des organismes de protection civile.

Article 61 : La protection civile désigne l’exécution de tâches humanitaires visant à protéger la population civile des dangers résultant d’actions militaires ou de catastrophes naturelles et à contribuer à l’élimination de leurs conséquences immédiates.

Ces missions comprennent 15 critères, dont la prévention et l’extinction des incendies, les opérations de sauvetage, les actions médicales, sanitaires, d’évacuation et d’autres actions humanitaires.

Article 62 : Protection générale

1. Les organisations civiles de protection civile et leur personnel bénéficient du respect et de la protection prévus par les dispositions du présent Protocole, et notamment de la présente section. Ils ont le droit d’accomplir les missions de protection civile qui leur sont confiées, sauf en cas d’impératif militaire.

2. Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également aux civils qui, bien que n’étant pas membres d’organisations civiles de protection civile, accomplissent des tâches de protection civile à la demande des autorités compétentes et sous leur contrôle.

3. L’article 52 du présent Protocole s’applique aux bâtiments et au matériel utilisés à des fins de protection civile, ainsi qu’aux abris mis à la disposition de la population civile. Les biens utilisés à des fins de défense civile ne peuvent être détruits ni détournés de leur destination, sauf par la partie à laquelle ils appartiennent. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui définit les actes constitutifs de crimes de guerre, dispose que le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens civils, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires, constitue un crime de guerre : cf l’article 8(2)(b)(iii).

En 2011, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a créé une commission d’enquête internationale chargée d’enquêter sur les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme en République arabe syrienne.

Cette commission a notamment mené une enquête et conclu que les attaques systématiques contre les pompiers et les « Casques blancs » à Alep constituaient une violation du droit international humanitaire et un crime de guerre. Ces conclusions figurent dans des rapports de 2016 et 2018. L’aviation stratégique russe avait participé activement à ces attaques contre des organisations humanitaires en Syrie. Depuis 2022, ce sont ces même forces militaires qui attaquent des cibles civiles et des infrastructures énergétiques en Ukraine.

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