Au début de l'invasion, deux écoles de Kharkiv étaient détruites par les Russes chaque jour

Le groupe de défense des droits humains de Kharkiv (GDHK) a documenté de nombreuses attaques contre des établissements d'enseignement dans la région de Kharkiv. Leur destruction pourrait avoir un impact significatif sur le développement de la région.
Mikola Komarovski, Denys Voloha24 Juin 2023UA DE ES FR IT RU

Коридор школи в Ізюмі. © Денис Волоха / ХПГ Le couloir d’une école à Izioum. © Denys Voloha / GDHK Коридор школы в Изюме. © Денис Волоха / ХПГ

Le couloir d’une école à Izioum. © Denys Voloha / GDHK

Il y a plus d’un an, les écoles et jardins d’enfants de Kharkiv étaient remplies de voix d’enfants et la vie étudiante active battait son plein dans les universités. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, nombre de ces institutions ont été endommagées. Certaines d’entre elles n’accueilleront plus jamais d’élèves et d’étudiants, car elles ont été rasées. Certains établissements ont été utilisés par les occupants pour loger leurs troupes.

Il y a quelque temps, le GDHK avait constaté que 87 % des écoles de Marioupol avaient été détruites ou endommagées parla violente offensive russe sur la ville. Dans cette étude, nous démontrons l’impact de la guerre sur les établissements d’enseignement de toute la région de Kharkiv.

En 2022, les établissements d’enseignement de la région de Kharkiv ont été si souvent atteints par les opérations militaires qu’en moyenne, une école, un jardin d’enfants ou un autre établissement a été détruit chaque jour, et jusqu’à deux par jour au cours des trois premiers mois de la guerre.

Entre le 24 février 2022 et le 15 juin 2023, 374 cas de dégâts causés à des établissements d’enseignement dans la région de Kharkiv ont été documentés.

Illustration : Serhiy Pritkine / GDHK

Illustration : Serhiy Pritkine / GDHK

Écoles

Nous avons déjà expliqué pourquoi les écoles sont si souvent prises pour cible par l’armée russe : les occupants pensent qu’elles sont utilisées par les forces ukrainiennes comme quartiers généraux et n’hésitent pas à les prendre pour cible avec de l’artillerie et des missiles.

Même si, dans certains cas, l’armée ukrainienne a effectivement stationné dans des établissements d’enseignement après évacuation de la population civile, cela ne peut en aucun cas justifier ces attaques délibérées et si massives des Russes.

Illustration : Serhiy Pritkine / GDHK

Illustration : Serhiy Pritkine / GDHK

De plus, les forces d’occupation elles-mêmes installent souvent leurs bases dans des écoles. Des enquêteurs du groupe de défense des droits de humains de Kharkiv ont ainsi retrouvé des traces du déploiement de militaires russes dans une école du village de Vassylenkove : au sous-sol gisaient des boîtes et des douilles de munitions d’artillerie usagées, ainsi que des factures d’approvisionnement militaire : une équipe d’artillerie d’une unité russe était semble-t-il stationnée directement à l’extérieur du bâtiment de l’école, provoquant des tirs de représailles des forces ukrainiennes.

Cette école était considérée comme l’une des plus anciennes de la région : elle avait été construite il y a plus de 100 ans, en 1911.

У школі розташовувалася база окупантів. © Денис Волоха В школе расположилась база оккупантов. © Денис Волоха

L’école a servi de base aux occupants © Denys Voloha

Сліди окупантів у шкільному підвалі © Оксана Комарова Следы оккупантов в школьном подвале © Оксана Комарова

Traces laissées par les occupants dans le sous-sol de l’école © Oksana Komarova

Nous avons décrit plus en détail plusieurs cas d’utilisation d’écoles en tant que cibles militaires dans une publication distincte sur les 
« boucliers humains »
.

L’un des épisodes les plus célèbres de la bataille pour Kharkiv est l’occupation de l’école 134 de Kharkiv par les Russes. Le 27 février 2022, un groupe de soldats russes, qui semblaient appartenir à une unité spéciale de la Direction générale du Renseignement, est entré dans la ville à bord de plusieurs véhicules blindés « Tigre ». Les Russes se sont barricadés dans les locaux de l’école 134 de la rue Chevtchenko, l’une des principales artères de Kharkiv. Selon les témoignages de soldats ukrainiens qui ont participé au combat, les Russes étaient bien préparés, tant sur le plan organisationnel que psychologique. Il est donc probable que l’occupation de l’école ait fait partie d’une opération spéciale visant à prendre le contrôle de cette ville clé de l’Ukraine.

Confrontés à une résistance intense de la part de plusieurs unités ukrainiennes, les Russes ont été encerclés et ont fini par être tués au cours des combats qui ont duré plusieurs heures, à l’exception de deux soldats faits prisonniers. Après cet épisode, l’armée russe n’a pas réussi à progresser plus profondément dans Kharkiv, mais la ville a continué à être constamment bombardée.

© Жером Барбоса © Жером Барбоса

© Jérôme Barbosa

D’autres écoles ont régulièrement souffert des bombardements intensifs. Par exemple, au cours de l’été 2022, le gymnase 46 Lomonossov de Kharkiv a été touché par une frappe de missiles. La majeure partie du bâtiment a été complètement détruite.

Харківська гімназія №46 імені М. В. Ломоносова. © ХПГ Харьковская гимназия №46 имени М. В. Ломоносова. © ХПГ

Le gymnase 46 Lomonossov de Kharkiv © GDHK

© ХПГ © ХПГ

© ХПГ

Très souvent, les écoles de Kharkiv accueillent des enfants de plusieurs localités d’une même communauté territoriale. La destruction de ces écoles complique considérablement l’acquisition d’une éducation de base pour de nombreux enfants, ce qui pourrait à terme avoir un impact négatif sur le développement de la région.

Le lycée Cherkasskolozivsky, l’un des deux établissements d’enseignement secondaire de la communauté territoriale Malodanilivsky, en est un exemple. Au 1er janvier 2020, la communauté comptait 13356 habitants. Sur ces photos prises par un drone, on peut voir ce qui reste de ce lycée.

Черкаськолозівський ліцей. © ХПГ Черкассколозовской лицей. © ХПГ

Le lycée Cherkasskolozivsky © GDHK

Черкаськолозівський ліцей. © ХПГ Черкассколозовской лицей. © ХПГ

Le lycée Cherkasskolozivsky © GDHK

Selon la Base électronique de données unique d’État, il y a 818 écoles dans la région de Kharkiv. Par conséquent, environ 30% d’entre elles ont été complètement détruites ou endommagées au cours la guerre.

Universités

Étant donné que les universités sont situées principalement dans le centre régional dont les Russes n’ont pas réussi à s’emparer, les bâtiments universitaires ont souffert de bombardements et de frappes de missiles dans tous les événements documentés.

Le 5 février 2023 au matin, les forces armées russes ont lancé une frappe sur Kharkiv, ce qui a endommagé le bâtiment de l’Université d’économie municipale Beketov. Ce n’était pas la première attaque contre cet établissement, mais dans les cas précédents, les bâtiments n’avaient pas subi de dommages significatifs.

Харківський національний університет міського господарства імені О. М. Бекетова. Джерело світлини: telegraf.com.ua Харьковский национальный университет городского хозяйства имени О.М. Бекетова. Источник фотографии: telegraf.com.ua

Université Nationale d’économie municipale Beketov de Kharkiv. Source photo : telegraf.com.ua

En mars 2022, l’armée russe a lancé une frappe sur le territoire de l’Institut de physique et de technologie de Kharkiv, depuis un système de lance-roquette multiple « Grad » . C’est sur le territoire de ce centre scientifique que se trouve l’installation de recherche nucléaire « Source de neutrons ». Lors du bombardement, 37 éléments combustibles nucléaires étaient chargés dans le cœur du réacteur. Au cours de 2022, l’installation a été bombardée à plusieurs reprises par l’armée russe.

Dès le début du mois de mars, la propagande russe affirmait sans aucune preuve que le réacteur avait été miné par la partie ukrainienne. De toute évidence, si l’installation nucléaire avait été endommagée, les Russes auraient rejeté la faute sur les Ukrainiens, ce qui constitue leur tactique habituelle.

L’installation de recherche « Source de neutrons » a été construite avec le soutien des États-Unis en échange de l’abandon par l’Ukraine de son uranium hautement enrichi, qui, selon un accord, avait été transféré à la Russie. Le lancement de l’installation a eu lieu en 2021, un mois avant l’invasion à grande échelle.

Харківський фізико-технічний інститут Харьковский физико-технический институт

L’Institut de physique et de technologie de Kharkiv

Гендиректор Фізтеху Микола Шульга стоїть поруч з приміщенням Джерела нейтронів. Світлина: Сашко Бринза / Mediaport Гендиректор Физтеха Николай Шульга стоит рядом с помещением Источника нейтронов. Фото: Сашко Брынза / Mediaport

Mikola Shoulga, directeur général de l’Institut de physique, à côté du bâtiment de la Source de neutrons. Photo : Sashko Brynza / Mediaport

L’Institut polytechnique de Kharkiv, quant à lui, a fait l’objet d’attaques à plusieurs reprises. Le 22 juin 2022, le complexe sportif 
« Polytechnique » a été partiellement détruit par deux roquettes. Deux mois plus tard, un missile a touché le bâtiment universitaire U4, causant la mort d’un agent de sécurité du campus.

Спорткомплекс ХПІ після ракетної атаки. © ХПГ Спорткомплекс ХПИ после ракетной атаки. © ХПГ

Le complexe sportif de l’Institut polytechnique de Kharkiv après une frappe de missiles. © GDHK

© ХПГ © ХПГ

© GDHK

La bibliothèque scientifique d’État Korolenko de Kharkiv a elle aussi été endommagée par les bombardements de la ville. Le bâtiment avait été conçu par le célèbre architecte Alexeï Beketov, et la bibliothèque occupe les lieux depuis 1901. Le bâtiment de la bibliothèque est reconnu comme monument architectural de la fin du XIXe — début du XXe siècle.

Харківська державна наукова бібліотека імені В. Г. Короленка. Джерело фото: Суспільне Харьковская государственная научная библиотека имени В.Г. Короленко. Источник фото: Суспільне

La bibliothèque scientifique d’État Korolenko de Kharkiv. Source photo : Suspilne

« Une grande partie des fenêtres a été détruite dans tout le bâtiment, le puits de lumière au-dessus de l’atrium, qui ornait le toit de la bibliothèque, a été presque entièrement détruit. De plus, les portes intérieures ont été brisées par de nombreux ondes de souffle et les murs des salles de travail ont commencé à s’effondrer en raison des bombardements constants. Les façades du bâtiment sont endommagées. Et le plus gros problème, c’est que le système de chauffage de la bibliothèque a été détruit », a déclaré Natalia Petrenko, la directrice de la bibliothèque, à propos des dégâts.

La collecte de fonds pour la restauration de la bibliothèque Korolenko se poursuit sur un site internet dédié du ministère de la Culture.

© Суспільне © Суспільне

© Suspilne

Établissements d’enseignement pré-scolaire

Comme les établissements d’enseignement supérieur, les jardins d’enfants de Kharkiv ont souffert des tirs de missiles et des frappes aériennes de l’armée russe.

La photo ci-dessous montre la destruction du jardin d’enfant 109 à Saltivka Nord, le quartier de la ville le plus touché par la guerre : des zones résidentielles y ont été régulièrement bombardées pendant l’occupation de la région de Kharkiv.

Ясла-садок №109 м. Харкова © ХПГ Ясли-садик №109 г. Харьков © ХПГ

Crèche/ école maternelle 109, Kharkiv © GDHK

Comme dans le cas des écoles, la destruction des jardins d’enfants dans la région de Kharkiv pose, dans certains cas, un problème important pour le développement des enfants, car parfois, les établissements détruits étaient les seuls de toute une communauté territoriale.

Дитячий садок у Слобожанському (Липецька громада Харківщини). © ХПГ Детский сад в Слобожанском (Липецкая община Харьковщины). © ХПГ

Jardin d’enfants à Slobojanske (communauté de Lipetsk, région de Kharkiv) © GDHK

Ces dernières années, l’Ukraine a connu une réforme du système administratif et de l’autonomie locale, ce qui a eu pour effet d’accroître les pouvoirs des autorités locales. L’éducation des enfants étant une priorité pour les habitants des villages et des petites villes, les autorités locales avaient souvent décidé d’investir de l’argent dans la rénovation des écoles et jardins d’enfants. Des fonds nationaux et des donateurs étrangers avaient participé au cofinancement, et ainsi, de nombreuses écoles de Kharkiv avaient été rénovées et réaménagées peu avant l’invasion russe.

De ce fait, la destruction des établissements d’enseignement, surtout dans les régions, est particulièrement douloureuse pour les habitants : ils ont perdu la possibilité d’offrir à leurs enfants une éducation à proximité dans un jardin d’enfants ou une école, dont la rénovation a pu être la plus grande source de dépenses pour la communauté au cours des dernières années.

Les écoles et autres établissements éducatifs et scientifiques sont des sites « protégés » par le droit international humanitaire. Attaquer délibérément de tels établissements, à condition qu’ils ne soient pas une cible militaire, constitue un crime de guerre.

Compléments d’information. En préparant cette étude, nous avions envoyé une demande de renseignements à l’administration régionale de Kharkiv et avons reçu des données officielles sur la destruction des établissements d’enseignement.

Données de l’Administration Régionale de Kharkiv au 24 mai 2023

  Détruits

Endommagés

Jardins d’enfants

19

246

Écoles

45

290

Universités  

22

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