Témoignage sur la torture en captivité

Au cours de sa détention illégale, Anatoli Toutov a été violemment battu et torturé à l'électricité, menacé de meurtre et de mutilation, et a fait l'objet de tentatives d'extorsion.
Maryna Harieieva12 Avril 2023UA DE EN ES FR IT RU

Анатолій Тутов. Фото: “Дані-Інфо” Anatoli Toutov. Photo : « Dani-Info » Анатолий Тутов. Фото: “Дані-Інфо”

Anatoli Toutov. Photo : « Dani-Info »

Anatoli Toutov, un habitant de la région qui a été détenu illégalement pendant l'occupation, a raconté sa captivité aux journalistes du journal de Balaklia « Dani-Info ».

Anatoli est un entrepreneur privé qui a été dans le passé membre du conseil de district de Balaklia pour le parti « UKROP » et, auparavant, membre du parti « Svoboda ».

Anatoli et sa femme n'ont pas quitté Balaklia pendant l'occupation car ils devaient rester auprès de proches nécessitant des soins médicaux. Les premiers mois, les occupants ont laissé Anatoli et sa famille tranquilles, mais en août, ils sont venus le chercher. Selon Anatoli, il s'agissait de militaires des prétendues « Républiques Populaires » de Donetsk et de Luhansk. Ils ont fouillé son appartement, lui ont pris ses économies et lui ont demandé s'il connaissait la raison de son arrestation. « Probablement parce que j'ai été un député du parti UKROP », a répondu Anatoli.

L'homme a raconté qu'il a été violemment frappé après cette arrestation illégale. Le premier jour, il a été frappé à coups de pied, de poing et de bâton. Lorsque, défiguré, Anatoli a été jeté en cellule, les autres détenus ont essayé de l'encourager en lui disant qu'il serait probablement tranquille le lendemain : ni interrogatoire, ni coups. Mais le deuxième jour, Anatoli a été de nouveau passé à tabac, son corps était couvert d'ecchymoses. D'après leurs traits et leur accent, Anatoli soupçonne que les hommes qui menaient les « interrogatoires » étaient originaires d'Ingouchie.

Au cours des deux premiers interrogatoires, ils ne lui ont posé aucune question, ils l'ont uniquement frappé et menacé. Lors du troisième interrogatoire, un militaire est arrivé, il semblait lui aussi être originaire du Caucase, mais parlait russe sans accent. Le militaire a interrogé Anatoli sur les « nazis », sur ses anciens camarades de parti et sur sa vie. Il a ensuite montré à Anatoli une photo de lui assistant à un service commémoratif pour des personnes tuées pendant la Révolution de la Dignité, et a accusé Anatoli d'être un des organisateurs du Maïdan. Selon Anatoli, la photo avait été prise par Oleh Kalaïda, un ancien policier passé à l'ennemi.

Lorsque Anatoli se taisait ou ne répondait pas aux questions, il était frappé et menacé : ils tiraient près de lui avec un fusil de chasse, lui mettaient un couteau sous la gorge et le menaçaient de l'écorcher vif.

Les personnes détenues illégalement étaient battues jusque dans leur cellule : Anatoli a déclaré qu'un militaire venait souvent dans leur cellule et donnait des coups de pied à tout le monde, disant que c'était sa « cellule préférée ». Suite à ces passages à tabac, Anatoli a eu des côtes cassées et de nombreuses contusions au niveau des organes internes.

Au cours d'un autre interrogatoire, un des militaires a vu une croix autour de son cou et lui a demandé : « Tu es croyant ? ». Anatoli a répondu par l'affirmative, en disant qu'il portait cette croix depuis sa naissance. Le soldat s'est mis à se moquer de lui, disant qu'Anatoli devait se convertir à l'islam, ce que ce dernier a refusé, entraînant de nouveaux coups violents. Anatoli a perdu connaissance et n'a repris ses esprits qu'après que ses tortionnaires lui ont versé un seau d'eau dessus.

Anatoli a subi des sévices moraux et physiques variés : il a été forcé de sauter et de crier « Qui ne saute pas est un Moskal », de chanter l'hymne ukrainien à haute voix et de crier des slogans patriotiques. Lorsqu'il tombait, on l'électrocutait en lui faisant tenir deux fils électriques et en le menaçant : « Si tu lâches ces fils, tu es mort ». Ces séances duraient une heure et demie.

Puis les occupants ont exigé de l'argent, en lui disant : « il faut partager avec les gens bien » et, avec un couteau, ont menacé de lui couper l'une ou l'autre partie du corps.

Anatoli raconte qu'à un moment donné, il a demandé aux bourreaux russes d'arrêter ces sévices et de le tuer. Tout son corps n'étant plus qu'une plaie vive, le moindre contact lui provoquait une douleur insupportable.

En outre, des prisonniers « infiltrés » ont été amenés dans la cellule où les gens étaient détenus illégalement, dans le but de leur soutirer des informations.

Selon Anatoli, le nombre de détenus était très important, les personnes étaient amenées non seulement de Balaklia, mais aussi des villages environnants. Les prisonniers s'entraidaient pour alléger au mieux leurs souffrances quotidiennes.

Dans un article précédent, nous écrivions que dans plusieurs territoires temporairement occupés, les militaires russes ont fréquemment recours à ces méthodes d'interrogatoire et de torture, ce qui est révélateur d'un système bien spécifique. D'anciens détenus mentionnent souvent la torture à l'électricité, les violences physiques et psychologiques et les simulacres d'exécutions.

Depuis le 10 avril, le groupe de défense des droits humains de Kharkiv fournit une assistance juridique aux victimes de crimes commis par les Russes dans le cadre de 600 procédures pénales. 58 d'entre elles représentent des cas de torture en détention, 130 sont liées à la recherche de prisonniers, 185 cas concernent le décès de civils, et pour 227, il s'agit de blessures de civils. Certaines victimes ont reçu une assistance psychologique et humanitaire. En outre, 34 plaintes ont été adressées auprès des organismes des Nations unies chargés des droits humains.

Contact à Kharkiv : +380505051415, +380504053015, et à Kyiv : +380505552795.

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