Lors de l'offensive russe sur Marioupol, presque toutes les écoles de la ville ont été touchées. Enquête du Groupe de Défense des Droits Humains de Kharkiv (KHPG)

Nous avons enquêté sur la destruction des établissements scolaires à Marioupol et avons constaté qu'au moins 83% des écoles avaient été endommagées d'une manière ou d'une autre. Les habitants de Marioupol eux-mêmes parlent d'attaques directes contre des écoles, dont des écoles maternelles.
Mikola Komarovski, Denis Voloha06 Novembre 2022UA DE EN ES FR IT RU

Світлину для ілюстрації взято з телеграм-каналу mariupolnow La photo d’illustration provient de la chaîne Telegram mariupolnow Фотография для иллюстрации взята из телеграм-канала mariupolnow

La photo d’illustration provient de la chaîne Telegram mariupolnow

Les écoles et les universités sont fréquemment visées durant la guerre menée par la Russie en Ukraine. Les établissements d'enseignement subissent à la fois des tirs d'artillerie ou des bombardements de certains quartiers, ainsi que des frappes ciblées de missiles de croisière et balistiques.

L'offensive de l'armée russe sur Marioupol au printemps 2022 s'est accompagnée de destructions particulièrement importantes. Plusieurs témoins interrogés par le KHPG ont indiqué que la tactique russe consistait à avancer selon un système de quadrillage, « carré après carré » : tout d'abord l'artillerie, les chars et l'aviation frappaient un quartier précis, après quoi l'infanterie y entrait.

Selon le service de l'éducation du conseil municipal de Marioupol, la ville comptait 63 écoles en 2021. La base de données du T4P sur les crimes de guerre compte 52 épisodes documentant précisément la destruction d'établissements d'enseignement.

Par conséquent, seules 17% des écoles de Marioupol sont restées intactes. Pour la plupart des 11 écoles potentiellement indemnes, aucune donnée fiable n'est pour le moment disponible, de sorte que le nombre d'établissements scolaires endommagés pourrait s'avérer plus élevé.

Visuel : Serhiy Prytkin/GDKh, à partir d’une carte Mapbox Визуализация: Сергей Прыткин/ХПГ, на основе карты Mapbox

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La photo ci-dessous montre l'école-Collegium N°1, située en plein centre de Marioupol. Cet établissement d'enseignement est considéré comme l'un des plus anciens de la ville, il a été officiellement ouvert en 1876. Comme on peut le voir, le bâtiment de l'école n'a plus de toit et une partie des murs est effondrée. Il est donc peu probable que ce bâtiment, qui avait pourtant survécu à deux guerres mondiales, accueille à nouveau des écoliers.

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Certaines écoles ont été littéralement rasées. Ainsi, on voit sur la photo ci-dessous ce qui reste de l'école privée « Privilège ».

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L'administration d'occupation à Marioupol tente de restaurer certains établissements d'enseignement, comme par exemple l'école N°65, située sur la rive droite de Marioupol. Le conseiller du maire Petro Andriouchenko affirme ainsi que « neuf classes avec chacune 35-45 enfants » ont été formées pour suivre les enseignements du programme russe.

« Il n'y a pas de repas distribués aux enfants. La seule source d'électricité est un groupe électrogène, c'est donc de facto un enseignement sans équipement informatique. On promet aux futurs diplômés qu'ils recevront des diplômes de la « RPD » et qu'ils seront immédiatement admis dans un certain nombre d'universités russes », écrit M. Andriouchenko, qui ajoute que les parents d'élèves « ont été contraints de nettoyer les ordures, de recouvrir les fenêtres de film plastique et de remettre un semblant d'ordre ».

На першому фото можна побачити, як виглядала будівля школи №65 до початку “відновлення”. Зокрема, у третій поверх влучив снаряд. Фото з телеграм-каналу mariupolnow La première photo montre le bâtiment de l’école N°65 avant le début de la restauration. Le deuxième étage a été touché par un obus. Photo issue de la chaîne Telegram mariupolnow На первом фото можно увидеть, как выглядело здание школы №65 до начала “восстановления”. В частности, в третий этаж попал снаряд. Фото из телеграм-канала mariupolnow

La première photo montre le bâtiment de l’école N°65 avant le début de la restauration. Le deuxième étage a été touché par un obus. Photo issue de la chaîne Telegram mariupolnow

Près de cette école, les occupants ont érigé un buste de Lénine qui, dans l'imagination délirante de Poutine, aurait « créé l'Ukraine ».

Il semble que ce monument de Lénine représente physiquement le premier d'une série de mythes historiques qui seront enseignés aux écoliers de Marioupol. L'ancienne commissaire ukrainienne aux droits humains Lioudmila Denissova a déclaré que les manuels russes qui lui sont parvenus décrivent comment expliquer aux enfants que la Crimée, c'est la Russie, et d'autres éléments constamment manipulés par la propagande russe et par Poutine lui-même.

© Андрющенко Time © Andriouchenko Time © Андрющенко Time

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Compte tenu de l'ampleur des destructions, la reconstruction de quelques écoles est plus susceptible de produire de bonnes séquences télévisées que d'avoir un impact significatif sur le problème de l'éducation à Marioupol aujourd'hui.

Sur notre carte sont désignées toutes les écoles de Marioupol endommagées.

Les établissements d'enseignement supérieur de Marioupol ont également subi des dommages importants. Le groupe de défense des droits humains de Kharkiv a enregistré trois cas de dégâts importants causés à des universités.

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Voici à quoi ressemble le bâtiment de l'université technique d'État Priazovski. Avant la guerre, cette institution formait des centaines de spécialistes chaque année.

Стопкадр із відео на каналі “Работа в интернете” Capture d’écran d’une vidéo de la chaîne « Travail sur internet » Стопкадр из видео на канале “Работа в интернете”

Capture d’écran d’une vidéo de la chaîne « Travail sur internet »

La photo ci-dessus montre l'un des nouveaux bâtiments de la faculté de médecine N°3 de l'Université nationale de médecine de Donetsk. L'institution avait déménagé à Marioupol et dans deux autres villes de la région de Donetsk en 2017.

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L'université d'État de Marioupol a également été endommagée. Il a été récemment signalé que les occupants envisageaient de reprendre l'enseignement dans cet établissement et avaient pour cela commencé à recruter des étudiants.

Concernant la destruction d'écoles maternelles, 7 épisodes ont été répertoriés dans notre base de données.

De nombreux récits sur les destructions d'écoles ont été rapportés par des habitants de Marioupol qui ont réussi à quitter la ville.

« Les Rascistes ont dit qu'ils bombardaient la base d'Azov. En fait, les premières cibles « militaires » sur lesquelles ils ont tiré étaient une école et un immeuble de neuf étages situés près de la base des forces de défense territoriale », a ainsi déclaré Vitali Bandrouchkiv, un habitant de Marioupol.

Nicole Derekleeva, une habitante de Marioupol qui a quitté la ville sous les bombardements avec son jeune frère, fait également remarquer que les écoles ont été l'une des premières cibles :

« Je ne dormais pas quand le président russe a prononcé son discours, c'est comme ça que j'ai appris cela, aux informations. À un moment, sous mes yeux, le ciel est devenu orange vif, puis il y a eu une forte explosion. Comme on l'a appris plus tard, un missile était tombé le matin sur l'école près de chez moi. Je me souviens d'avoir été effrayée, les larmes me montaient aux yeux. J'ai su alors que nous allions vivre quelque chose de terrible. Mais je ne pouvais pas imaginer que ce serait à ce point-là. »

Vira Kamianetska, qui a été contrainte de passer par les camps de « filtration » russes, se souvient de la destruction d'une école dans laquelle des enfants se trouvaient peu de temps auparavant.

Andriy Potaenko, qui a quitté Marioupol le 24 mars, a vu des chars russes tirer sur une école maternelle.

« Il [le tank] s'est déplacé et a commencé à tirer derrière l'immeuble, sur l'école maternelle là-bas. Puis ce tank est parti, et un autre est arrivé de l'autre côté. Il s'est installé près de notre immeuble et s'est mis à tirer directement sur l'école maternelle. Les hommes qui vivaient alors encore dans l'immeuble se demandaient : « pourquoi ils font ça ? Ça fait plusieurs jours qu'il n'y a plus personne là-bas », dit Potaenko.

Ce n'est pas uniquement à Marioupol que des attaques systématiques ont été menées contre des établissements d'enseignement lors de l'invasion russe. Dans la région de Kharkiv, nous avons enregistré 252 attaques de ce type. Cela montre que l'armée russe attaque des écoles maternelles, primaires et secondaires, ainsi que des universités de manière délibérée et ciblée, en utilisant parfois pour cela de coûteux missiles à longue portée.

Les Russes ont tendance à expliquer ces attaques par le déploiement de l'armée ukrainienne dans ces établissements d'enseignement. En certaines occasions, les forces ukrainiennes ont effectivement utilisé ces locaux pour équiper leurs quartiers généraux ou à d'autres fins. Cependant, cela ne justifie en rien les attaques indiscriminées menées par l'armée russe contre tous ces établissements.

De telles attaques ne peuvent être justifiées par des nécessités militaires légitimes. Il est évident que l'armée ukrainienne est au courant de la tactique russe de destruction des bâtiments scolaires, et il est donc peu probable que les militaires ukrainiens se déploient massivement dans les écoles, sachant que c'est là que l'ennemi les frapperait en premier lieu.

En outre, les représentants des forces armées russes installent eux-mêmes leurs quartiers généraux dans des installations civiles. Olena Yakhontova, une habitante de Marioupol, a rappelé qu'en mars 2022, l'école maternelle où elle travaillait comme enseignante a été occupée par des hommes de Kadyrov.

Les attaques ciblées ou indiscriminées contre des cibles civiles, notamment des établissements d'enseignement, constituent un crime de guerre en vertu du droit international. Depuis le début de l'invasion russe, l'initiative T4P documente ces événements, leur attribuant une qualification provisoire en vertu du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.

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