Attaques contre des installations dédiées à l'aide humanitaire et des convois d'évacuation

Les Russes ne font pas seulement obstacle à l'évacuation de personnes et à l'acheminement de matériel humanitaire, ils dérobent également des marchandises et des bus d'évacuation.
Maxim Reviakin29 Septembre 2022UA DE EN ES FR IT RU

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Entre le 24 février et le 29 août 2022, les enquêteurs de T4P ont documenté de nombreux cas de violations probables du droit humanitaire international, des droits humains, et des libertés fondamentales : attaques contre des installations dédiées à l'aide humanitaire et des convois d'évacuation, obstruction à l'acheminement de marchandises humanitaires et à l'évacuation par les civils de zones dangereuses pour leur vie et leur santé. Ces incidents présentent les caractéristiques des crimes de guerre suivants :

  • Attaque contre un entrepôt d'aide humanitaire, un convoi humanitaire, une mission ou un corridor humanitaire (article 8 (2) (b) (iii) du Statut de Rome),
  • Entrave à des missions humanitaires dans l'acheminement d'eau et de nourriture, destruction de vivres et de stocks d'eau potable (article 8 (2) (b) (xxv) du Statut de Rome)

Au total, l'initiative T4R a documenté 42 épisodes portant sur 29 événements qui présentent des caractéristiques de crimes de guerre liés à l'acheminement et la distribution d'aide humanitaire pour les civils et à la facilitation du départ des civils de zones dangereuses et de zones de situation humanitaire grave. Il y a eu 14 attaques contre des installations d'aide humanitaire, 8 attaques contre des convois d'évacuation de civils, 4 événements empêchant les civils de quitter les zones dangereuses, 3 événements de saisie de marchandises et de véhicules humanitaires.

Les événements répertoriés ont causé la mort de 38 civils, 64 civils ont été blessés et 38 véhicules d'aide humanitaire et d'évacuation ont été endommagés, détruits ou accaparés.

La majorité des personnes tuées l'ont été suite à des frappes sur des convois d'évacuation (14 personnes), et dans les files d'attente aux points d'acheminement de l'aide humanitaire (12 personnes). Nous avons enregistré 6 cas de décès massifs de civils : 3 lors d'attaques de colonnes d'évacuation, 2 lors de frappes sur des points de distribution d'aide humanitaire, 1 suite au fait que les militaires russes ont empêché des civils de quitter des zones dangereuses. Le plus grand nombre de décès simultanés (lors d'un même événement) a été de 8 personnes.

Selon la base de données, parmi les installations dédiées à l'aide humanitaire et les véhicules d'évacuation, 12 bus d'évacuation, 11 véhicules transportant de l'aide humanitaire, 5 points de distribution d'aide humanitaire, 5 véhicules civils dans lesquels des civils tentaient de quitter les zones dangereuses, 3 wagons et 2 entrepôts d'aide humanitaire ont été endommagés, détruits ou appropriés/pillés.

C'est dans les régions de Kharkiv et de Zaporijjia que le plus grand nombre d'événements a été enregistré : 8 dans chacune, ainsi que 5 événements dans la région de Donetsk, 4 dans celle de Luhansk, 3 dans celle de Tchernihiv, et 1 événement dans la région de Kherson.

Événements particuliers documentés

Frappe sur un point de distribution d'aide humanitaire à Kharkiv

Le 24 mars 2022, vers 13 heures, l'armée russe a tiré des missiles depuis un système « Ouragan » avec des armes à sous-munitions sur le bureau de Novaïa Poshta, rue de l'académicien Pavlov à Kharkiv, qui était utilisé comme point de distribution d'aide humanitaire.

Les obus sont tombés sur des personnes qui faisaient la queue pour obtenir de l'aide humanitaire, faisant 8 morts et 15 blessés.

Фото: Вячеслав Мавричев/Суспільне Photo : Viacheslav Mavrytchev/Souspilne Фото: Вячеслав Маврычев/Суспільне

Photo : Viacheslav Mavrytchev/Souspilne

Saisie d'un convoi humanitaire à la sortie de Kharkiv

Le 20 mars 2022, des militaires russes ont saisi un convoi humanitaire à la sortie de Kharkiv. Sept personnes ont été prises en otage : six chauffeurs et un médecin. Le 21 mars 2022, tous les prisonniers ont été ramenés sur le territoire contrôlé par l'Ukraine.

Bombardement d'un convoi d'évacuation dans le village de Borova

Le 14 avril 2022, l'armée russe a tiré sur des bus d'évacuation transportant des civils dans le village de Borova, district d'Izioum, région de Kharkiv. 7 personnes ont été tuées et 27 autres ont été blessées.

Фото: Харківська обласна прокуратура Photo : Parquet régional de Kharkiv Фото: Харьковская областная прокуратура

Photo : Parquet régional de Kharkiv

Pilonnage d'un convoi de voitures transportant de l'aide humanitaire dans le village de Yenkiv

Le 30 mars 2022, un convoi de cinq véhicules de volontaires transportant de l'aide humanitaire a été pilonné par l'armée russe dans le village de Yenkiv, dans la région de Tchernihiv. Deux mines ont sauté à côté des véhicules près desquels se tenaient des personnes, faisant 3 morts et 4 blessés parmi les volontaires.

Згорілі авто. Фото: Суспільне Чернігів Voitures brûlées. Photo : Souspilne Tchernihiv Сгоревшие автомобили. Фото: Суспільне Чернігів

Voitures brûlées. Photo : Souspilne Tchernihiv

Une attention particulière doit être portée sur le fait que les militaires russes empêchent systématiquement les civils de quitter les zones dangereuses et les zones où la situation humanitaire est difficile, et saisissent les cargaisons et les transports humanitaires. Par exemple, dans les villages directement touchés par les combats, il y a vrai un manque de biens et de produits de première nécessité, tels que la nourriture, les médicaments, le chauffage, le gaz, l'eau et les communications mobiles. La situation est aggravée par le refus de la partie russe de négocier l'ouverture de corridors d'évacuation vers le territoires contrôlés par l'Ukraine, de corridors pour les volontaires ukrainiens et les missions humanitaires internationales pour acheminer l'aide humanitaire, par le sabotage des quelques accords conclus, et par la saisie par les Russes de marchandises humanitaires.

Mainmise sur de l'aide humanitaire et des bus d'évacuation à Melitopol

Le 1er avril 2022, les militaires russes ont saisi 14 tonnes d'aide humanitaire et des bus destinés à évacuer les civils dans la ville occupée de Melitopol, dans la région de Zaporijjia.

Interdiction d'évacuer faite aux habitants de Berdiansk

Le 3 mai 2022, les militaires russes ont interdit aux bus d'évacuation de Berdiansk de prendre en charge les habitants souhaitant évacuer.

Blocage d'un convoi humanitaire et détournement d'aide humanitaire dans la région de Zaporijjia

Le 15 mai 2022, un convoi humanitaire conjoint dont l'itinéraire prévu était Enerhodar-Tokmak-Polohy a été arrêté à Vassylivka et retenu par les militaires russes pendant un long moment. Il a été autorisé à entrer dans Enerhodar avec des retards importants, mais n'a pas été autorisé à poursuivre vers Tokmak et Polohi. Le convoi humanitaire a été contraint de faire demi-tour et de rebrousser chemin. À l'approche du village de Kamyanske, les bombardements russes avaient détruit le pont routier sur la rivière, rendant tout mouvement impossible. À chaque check-point, les militaires russes ont saisi d'autorité de la nourriture, des vêtements et des produits d'hygiène.

Civils empêchés de quitter le territoire occupé au check-point de Vassylivka

En août, à un poste de contrôle situé à Vassylivka dans la région de Zaporijjia, les militaires russes ont délibérément empêché des véhicules civils de se rendre sur le territoire contrôlé par l'Ukraine. Les gens ont été contraints d'attendre sous une forte chaleur, sans nourriture et sans accès à un hôpital ou à une ambulance pendant plusieurs jours d'affilée, ce qui a entraîné la mort de 10 personnes. Certains jours, la file d'attente atteignait jusqu'à 1 200 véhicules.

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Photo : Espreso TV

Conclusions

Les militaires de la Fédération de Russie entravent systématiquement l'acheminement de l'aide humanitaire et les tentatives de l'Ukraine d'évacuer les personnes de manière centralisée et font obstacle aux civils qui tentent d'évacuer par leurs propres moyens des zones dangereuses et des zones à situation humanitaire difficile, de plus, ils détournent et s'approprient de l'aide humanitaire et des véhicules d'évacuation. La nature systématique de ces actions dans les territoires occupés et ceux à proximité de la ligne de front peut signifier que cela fait partie d'un ordre général de leurs dirigeants. Ces actions violent non seulement le droit international humanitaire, mais aussi les droits humains et les libertés fondamentales, aggravent une situation humanitaire déjà difficile, augmentent considérablement la menace qui pèse sur la vie et la santé des civils, et sont peut-être menées dans le but de terroriser la population locale des territoires occupés et de la russifier de force. En outre, l'armée russe attaque régulièrement des installations dédiées à l'aide humanitaire et des véhicules d'évacuation, ce qui rend très dangereux le fait de recevoir une aide de ce type dans les villages de la ligne de front ainsi que les tentatives d'évacuation des territoires occupés ; cela crée une atmosphère de peur et de désespoir parmi la population civile et cause d'importantes souffrances psychologiques.

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